Les Grosrouvrois il y a cent ans.
A partir de 1801 on a procédé en France au recensement général de la population toutes les années se terminant en « 1 » et « 6 ». Le recensement de 1911 nous fournit de nombreuses et précieuses informations sur les Grosrouvrois d'il y a cent ans : nombre, répartition par âge et par sexe, taille des familles, lieux de naissance, professions.
Une population jeune.
En 1911 la population de Grosrouvre s'élevait à 591 habitants. Les moins de vingt ans constituaient plus du tiers (37%) de la population, les 20 à 64 ans un peu plus de la moitié (51,3%) et les plus de 65 ans 11,7%. Le grand nombre des jeunes tient à une assez forte fécondité, on compte une famille de 10 enfants et une autre de 7, et à la présence de nombreux enfants, souvent originaires de Paris, mis en nourrice à Grosrouvre. Les doyens du village étaient un homme de 88 ans et une femme de 86 ans. Il y avait nettement plus d'hommes (314) que de femmes (277). Cette situation semble pouvoir être mise en relation avec la présence à Grosrouvre de nombreux salariés agricoles, dont beaucoup étaient originaires d'autres départements. On comptait 183 ménages occupant 161 maisons.
Anciens et nouveaux habitants.
En 1911 un peu moins de la moitié des habitants étaient natifs de Grosrouvre : 43,4%. Près d'un quart (24%) étaient nés dans le département de la Seine-et-Oise auquel appartenait alors Grosrouvre, et 10,5% dans le département de la Seine comprenant Paris et sa banlieue. Un habitant sur 5 était originaire d'autres départements, aux premiers rangs desquels l'Eure-et-Loir voisin et les Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes d'Armor.
D'une manière générale, on observe un fort contingent d'immigrants originaires des départements de l'ouest de la France, du Calvados à la Loire inférieure (Loire atlantique). Mais on compte aussi des habitants originaires du Pas-de-Calais, de l'Indre, de l'Aisne, de la Marne...Trois habitants étaient nés dans les départements alsaciens et la Moselle annexés par l'Allemagne ; ils avaient opté pour la France après 1871. Enfin, 11 personnes étaient nées à l'étranger : Roumanie, Bavière, Suisse, Angleterre et Cuba. On pourrait donc dire que Grosrouvre était un village attractif en 1911. Il ne faut cependant pas oublier que la population qui avait atteint 844 habitants en 1836 avait ensuite diminué en raison de l'exode rural ; elle n'était déjà plus que de 795 habitants en 1851, 742 en 1861. Elle se stabilisa à la fin XIXe siècle avec 596 habitants en 1881 et au début du XXe (591 en 1911). Les petits hameaux de la Noue, de Goray et de Brise-tête avaient alors disparu. L'exode rural se poursuivait mais était compensé par une immigration en provenance des autres départements.
Une commune agricole.
Les professions déclarées par les habitants font apparaître une commune agricole puisqu'on ne dénombre pas moins de 39 exploitations agricoles. La plupart des exploitants se déclarent propriétaires, par opposition aux fermiers qui louaient des terres mais, compte tenu du grand nombre d'exploitations, chacune d'entre elle ne disposait que de quelques hectares. Deux exceptions doivent toutefois être relevées, la ferme de Moisan et celle de la Mormaire, héritières des grands domaines de l'Ancien Régime. L'agriculture fait alors essentiellement appel au travail humain, ce qui explique que 77 personnes se déclarent salariés agricoles; parmi eux on relève des charretiers, des vachers, des jardiniers, mais la plupart sont ouvriers ou journaliers agricoles. Beaucoup sont originaires de l'ouest de la France. Les deux grandes fermes se distinguent par l'emploi de chefs de culture et de régisseurs. En outre, celle de Moisan dispose d'un mécanicien ajusteur et de draineurs, signes d'une modernisation des méthodes. Quelques artisans ruraux réalisent ce qui ne peut pas être produit au siège des exploitations : on compte trois charrons, un tonnelier (pour les tonneaux à cidre et à poiré), un maréchal ferrand. Il y a aussi trois cordonniers et un scieur de long.
Le deuxième secteur d'emploi est celui des services à domicile et des employés de maison. Le seul appareil ménager connu étant alors la cuisinière en fonte, le travail humain est donc là aussi essentiel. 20 femmes se déclarent bonnes ou, dans les grandes propriétés, femmes de chambre ; il y aussi un valet de chambre. Les couturières, dont beaucoup travaillent à la journée dans les familles, sont au nombre de 14. Six femmes sont blanchisseuses, laveuses ou lingères. Les grandes propriétés emploient des cuisinières, des cochers et des gardes chasse particuliers. Il y a enfin trois nourrices dont une emploie une bonne d'enfants, ce qui semble justifié par la présence de 6 enfants au domicile de cette nourrice.
Le troisième secteur d'emploi est le bâtiment représenté par 23 ouvriers, dont 14 maçons qui travaillent dans des entreprises situées hors Grosrouvre. Il y a 6 terrassiers, un carrier, un couvreur de paille et un piqueur de grès qui fabrique des pavés.
Le commerce est représenté dans le bourg par un épicier-marchand de vin, qui est par ailleurs maire de la commune (Louis Thourot), un café-restaurant et un charcutier; aux Haizettes se trouve une débitante de boissons qui vend aussi de l'épicerie.
Les services publics sont constitués par les instituteurs, M. et Mme Bureau, le receveur des postes, sa femme et un facteur, deux cantonniers et un terrassier municipaux, un garde champêtre, deux gardes forestiers.
Il y enfin un prêtre, André Pascal, et des professionnels exerçant des métiers inattendus : un employé du pari mutuel et un porteur de journaux qui distribue Le Petit Journal qui était alors un des grands quotidiens français. Un artiste peintre d'origine roumaine, Salomon Salienevici, réside aussi à Grosrouvre, ainsi que l'écrivain Pierre Lelong, auteur de Au pays des grenouilles bleues. En revanche, le peintre Louis Tinayre, son frère Julien, graveur, et l'épouse de celui-ci, l'écrivaine Marcelle Tinayre, qui venaient en villégiature à Grosrouvre, n'y ont pas été recensés.