Historique

Le nom de Grosrouvre, qui vient du latin grossum, gros, et robur, chêne très dur, conserve le souvenir d'un chêne remarquable par sa taille et sa robustesse. En simplifiant, Grosrouvre signifie donc « le chêne robuste ».

Les découvertes sur le territoire de Grosrouvre d'outils en silex taillé, haches, ciseaux et pointes de flèches, montrent que celui-ci a été occupé dès le paléolithique. C'est en 768, dans une donation de Pépin le Bref à l'abbaye de Saint-Denis, que Grosrouvre apparaît dans l'histoire pour la première fois. Différents sites de la forêt, qu'on appelle alors l'Iveline, sont défrichés et donnent naissance à des clairières cultivées dans lesquelles se fixe l'habitat. C'est ainsi que se développe Grosrouvre, regroupant en paroisse (une bulle atteste l'existence de l'église en 1159) des fiefs, Moisan, le Chêne-Rogneux, la Troche, la Malmaison, la Mandreuse et Marcilly, auxquels s'ajoutent des hameaux, les Haizettes, les Aubris, la Surie, le Buisson.


Cependant, dès le Xe siècle, ces territoires avaient été rattachés au duché de France. Du point de vue administratif Grosrouvre était donc placé sous la juridiction des seigneurs de Montfort, alors gruyers héréditaires de l'Iveline qui jugeaient toutes les affaires concernant les eaux et forêts, surveillaient les officiers inférieurs, percevaient les impôts et commandaient les milices. Les procès entre roturiers étaient jugés par le prévôt de Méré qui tenait sa cour au Chêne-Rogneux au lieu-dit encore aujourd'hui nommé la Cour de l'Orme.

La vie des paysans de Grosrouvre nous est connue par divers actes seigneuriaux. Ainsi, en 1189, avant de partir à la croisade d'Orient, Simon IV de Montfort concède aux habitants les droits de glandée, pacage et de bois mort dans la forêt ; il donne en outre à ceux du hameau de la Troche une lande de 156 arpents 10 perches (aujourd'hui les Landes du nord) pour l'usage de leurs bestiaux. Plusieurs sentences de 1554, 1668 et 1703 confirmèrent ces « droits d'usage dans la forest à tous manans, habitans et paroissiens de Grosrouvre y possédant maison ancienne ou bastie sur anciens fondements depuis soixante ans, à raison d'une vache et son suivant par chaque feu pour le pâturage. » Cependant, comme partout en France, la condition des habitants des campagnes continue d'être des plus dures : ils doivent acquitter une foule de droits et réquisitions de toute nature, supporter les dévastations des lapins et des pigeons dont le seigneur se réserve la chasse (droit de garenne et de colombier), subir les dévastations de la chasse à courre seigneuriale (droit de ravage). Le paysan ne peut moudre son grain qu'au moulin du seigneur, cuire son pain à son four, faire son cidre à son pressoir (droits de ban ou banalités).

Situé à proximité de Paris et de Versailles, Grosrouvre eut plusieurs seigneurs célèbres. Sous François Ier, le chancelier Guillaume Poyet, auteur de l'ordonnance de Villers-Cotterêt qui impose l'usage du français dans les actes administratifs, est seigneur du Chêne-Rogneux. Après lui, Henri II concède ce fief à sa favorite, Diane de Poitiers. Sous le règne de Louis XIII, Laurent Regnard de Chennevières, seigneur de la Mormaire, est gendarme du roi et Denis de Vion, seigneur de Grosrouvre, lieutenant de ses chasses au comté de Montfort. En 1770, le seigneur du Chêne-Rogneux, René-Nicolas de Maupeou est nommé chancelier par Louis XV; il tenta d'imposer la réforme de la justice aux privilégiés ; son échec constitua une cause lointaine de la Révolution.
En 1789, la paroisse de Grosrouvre compte 210 feux, soit 700 à 800 habitants. Réunis en l'église le 9 mars, les habitants rédigèrent un cahier de doléances dans lequel ils réclamaient l'égalité devant l'impôt, la destruction des « bêtes fauves qui ravagent les terres » (il s'agit des sangliers), la suppression de la milice, qui faisait obligation de fournir des soldats au roi, la réparation des chemins et la baisse du prix du blé (il y avait alors beaucoup de manouvriers ou paysans sans terre et de nombreux indigents). On connaît les noms de ceux qui signèrent le cahier de doléances devant Nicolas Laignier, lieutenant au baillage ducal de Montfort l'Amaury : Jean-François Boulvray, syndic, Louis Porel, aubergiste, François-Clément Bréval, laboureur, François Simon, Etienne Penot, maçon, Pierre Cartel, Jean-Baptiste Pénot, maçon, Jean Fontaine, maçon, Robert Flé, maître d'école, Pierre Mordant, manouvrier. Les trois premiers signataires, personnages les plus influents de la société villageoise, Boulvray, Porel et Bréval, furent élus pour porter le cahier de doléances au siège du baillage, à Montfort l'Amaury.

L'abolition des privilèges fut accueillie par « des transports de joie et l'on n'eut à regretter aucun attentat contre les personnes ou les propriétés » (A. François, instituteur, Notice sur la commune de Grosrouvre, 1891). En même temps que la paroisse se constituait en commune, elle devint propriétaire des anciennes terres seigneuriales, ainsi les communaux du Chêne-Rogneux. Grosrouvre fit désormais partie du département de Seine-et-Oise, de l'arrondissement de Rambouillet et du canton de Montfort-l'Amaury. En 1793, le conseil général de la commune décida que « les girouettes et les fleurs de lys qui sont les symboles de la royauté seront enlevées sur le toit de l'église. » Toujours sous la Convention, la commune participa aux réquisitions de toute nature exigées par la guerre, elle fournit des volontaires pour la Vendée et la lutte contre la coalition européenne. La cloche, son battant et divers objets de bronze appartenant au mobilier de l'église furent portés au chef-lieu du district, à Montfort-le-Brutus (Montfort l'Amaury) pour être fondus afin de récupérer le cuivre nécessaire à la défense.

Sous l'Empire, des Grosrouvrois participèrent aux campagnes de Napoléon : Gilles Martin, soldat dès 1791, effectua 16 campagnes dans le Nord de la France, en Italie, Autriche, Prusse, Espagne, Portugal ; Charles Penot, 16 ans de service, effectua 14 campagnes ; François Binet, qui fit toutes les campagnes de 1803 à 1815, fut blessé à Waterloo.
Le XIXe siècle est d'abord marqué par l'achèvement du cadastre commencé sous Napoléon ; celui-ci consacre les changements de propriété intervenus depuis 1789. Cependant, beaucoup d'exploitations agricoles sont de trop petite taille pour faire vivre une famille ; de nombreux jeunes connaissent l'exode rural. L'arrivée du chemin de fer à Méré et à Garancières, la ligne de Paris à Dreux est ouverte en 1864, accélère ce mouvement en direction de la capitale; la population communale est désormais moins nombreuse qu'avant la Révolution.

En 1870 les Allemands envahissent la France du Nord et assiègent Paris ; ils occupent Grosrouvre dont la population est soumise à des contributions, réquisitions et exactions de toute sorte. Dans la mesure de leurs moyens, les habitants vinrent en aide aux réfugiés que le siège avaient fait fuir de la capitale.
A la fin du XIXe siècle, Grosrouvre participe de plus en plus au développement du pays. On reconstruit l'école publique mixte constituée de deux classes (environ 70 élèves). Grâce au chemin de fer, la commune bénéficie pleinement de la proximité de Paris ; artistes et écrivains, tels Marcelle et Julien Tinayre, Paul Fort, Pierre Lelong, viennent trouver à Grosrouvre l'inspiration ou plus simplement le calme qu'ils recherchent. Une vie intellectuelle s'organise.
La commune est au cœur des drames du XXe siècle. Trente six de ses soldats tombent au cours de la Grande Guerre soit, en moyenne, un toutes les six semaines. Lors de la Seconde Guerre mondiale, trois soldats sont tués, une personne est déportée et exterminée pour raison raciale, six autres sont victimes des bombardements de 1944 qui détruisent la poste, diverses maisons et une partie de l'église (vestiges d'éclats d'obus sur des tombes au nord).

Malgré ces drames la modernisation de la commune se poursuit. Dans l'entre-deux-guerres l'électricité arrive au village et l'eau courante est installée. Après 1945 les principaux chemins communaux sont goudronnés. Surtout, dans les années 1970 et 1980, Grosrouvre se dote d'un réseau d'assainissement complet. Entre temps, en 1968, la commune a intégré le nouveau département des Yvelines, désormais au pluriel, issu du démembrement de la Seine-et-Oise.
Avec le développement de l'automobile, les résidences secondaires de Parisiens venant passer leur fin de semaine à la campagne se multiplient, surtout après la Seconde Guerre. Des écrivains tels Marcel Aymé et Robert Merle se fixent à Grosrouvre. Des vedettes de cinéma et de la scène s'y établissent aussi plus brièvement.

La fin du XXe siècle est marquée, à Grosrouvre comme dans nombre de communes péri-urbaines, par une rapide évolution sociologique et démographique. Tandis que le nombre des exploitations agricoles se réduit à quelques unités et qu'elles diversifient leurs activités (centres équestres, travaux publics), de nouveaux venus, en majorité des cadres, attirés par la qualité de l'environnement, choisissent de s'établir définitivement dans la commune et d'aller travailler chaque jour dans les bureaux de l'agglomération parisienne. Au tournant du XXIe siècle Grosrouvre dépasse de nouveau 800 habitants, sa population s'est rajeunie et son école compte plus de 120 élèves.